Réseau Natura 2000 : ne pas oublier l'agriculture
Site d'exception pour la préservation de la grue cendrée, le «Â champ de tir du poteau » reste aussi une zone importante pour l'activité agricole.
Avec 31 sites répertoriés dans les Landes, le réseau Natura 2 000 couvre plus de 50 000 hectares dans ce seul département. Initiée à la fin des années soixante-dix, cette démarche a pour objectif de lutter contre l'érosion de la biodiversité à l'échelle européenne. Pour cela, elle s'appuie sur un ensemble de zones de protection d'espèces et d'habitats naturels menacés. À l'intérieur de ces espaces, un comité de pilotage définit des mesures visant à favoriser la protection de la faune et de la flore.
À la frontière entre les Landes et la Gironde, le site dit du « champ de tir du Poteau » constitue l'un de ces espaces protégés. À cheval sur les deux départements et sur sept communes (Callen, Lencouacq, Luxey et Retjons pour les Landes), il recouvre une surface supérieure à 12 500 hectares. Principal oiseau faisant l'objet de mesures de protection, la grue cendrée a trouvé là , l'ensemble des conditions qui lui assure un hivernage paisible.Des cultures à forte valeur ajoutée
Même si cette zone est couverte au trois-quarts par le champ de tir militaire de Captieux, plus de 3 000 hectares de surfaces agricoles et forestières sont concernés. C'est pourquoi la profession agricole souhaite que ses problématiques soient prises en compte dans les décisions à venir. « Cette zone concerne environ une quinzaine d'exploitations agricoles sur lesquelles vivent plus d'une trentaine de personnes », rappelle Jean Paul Marque, agriculteur à Luxey et représentant de la chambre d'agriculture des Landes. Il souligne également que des cultures à forte valeur ajoutée sont produites sur ce secteur : « On y trouve du mais semence, des légumes de plein champ pour les conserveries, des plantes médicinales, des bulbes à fleurs ».
Il y a quelques mois, une première incompréhension dans l'interprétation de la charte Natura 2000 a conduit la commune de Luxey à bloquer l'attribution d'un permis de construire à Jean-Paul Marque pour la création d'un hangar agricole sur son exploitation. Cette décision, prise au motif « que dans cette zone agricole protégée, le règlement du PLU interdirait toute construction et toute utilisation du sol », venait en opposition aux préconisations définies dans le document d'objectif du site. « Ce type d'erreur d'application ou d'interprétation est en passe d'être résolu », assure le préfet des Landes, Évence Richard, à l'occasion du comité de pilotage qui s'est tenu le 22 avril dernier. Toutefois, tel que cela est prévu par le document d'objectif Natura 2000, tous les aménagements prévus dans la zone devront faire l'objet d'études d'incidence qui autoriseront ou non les projets.
Pour l'heure, la majorité des mesures adoptées est en rapport avec la zone militaire et ses activités.
Selon les responsables de l'armée de l'air, le bilan de ces actions montre que « l'oiseau de plume s'accommode plutôt bien de l'oiseau de fer ». À l'inverse, concernant le volet agricole, « tout reste à faire », signale Gilles Granereau, chargé de mission à l'ONF. Ainsi, la chambre d'agriculture devrait être invitée à fournir son expertise technique afin de préparer des procédures contractuelles. Concrètement, le processus devrait aboutir à la mise en place de mesures agro-environnementales (MAE) spécifiques à cette zone. Selon, Gilles Granereau, le but est de concilier au mieux les contraintes de chacun. De leur côté Jean-Paul Marque et les responsables agricoles entendent rester vigilants afin de ne pas être pénalisés par cette démarche : « Nous souhaitons que les mesures prises créent le moins de contraintes possibles sur l'agriculture. Il ne faut pas oublier que la présence de la faune, et notamment des grues, est intimement liée à notre activité et à la présence de cultures. En effet, les grands défrichements des années 1960-1970 ont permis aux oiseaux de stationner de façon régulière et en nombre sur ce site ».
À l'issue du comité de pilotage, une visite a été organisée sur le terrain militaire. Les invités ont pu ainsi percevoir, sur les zones de tirs aériens régulièrement incendiées par l'explosion du matériel pyrotechnique, à quoi ressemblaient les landes de jadis, si bien décrites par Félix Arnaudin. En dehors, sur le reste du camp, c'est la végétation naturelle, à base de fourrés impénétrables, de brandes et de genets, parsemés de quelques bosquets de pins et de feuillus ainsi que de quelques lagunes, qui a pris le dessus. Écosystème qui fait manifestement le bonheur des compagnies de suidés
Fabien Brèthes