L'urgente nécessité de répercuter les coûts de production
Face à la flambée du prix des céréales et du soja, le président de la Confédération française de l'agriculture (CFA), Michel Prugue, demande, comme la FNSEA, la réouverture immédiate des discussions tarifaires avec la grande distribution, comme le prévoit l'accord du 3 mai 2011.

Pour Michel Prugue, président de la CFA, « il faut que, d'ici la fin du mois d'août, les négociations aient redémarré pour recaler le niveau des contrats ».
Les conditions sont-elles réunies pour rouvrir les négociations tarifaires avec la grande distribution?
Michel Prugue » Les prix des céréales et du soja sont repartis à la hausse, ce qui se répercute aussitôt sur le prix des aliments. Et je n'intègre pas le prix de l'énergie qui a considérablement augmenté ainsi que les charges salariales. Pour ce qui concerne les charges liées à l'alimentation, celles-ci ont progressé de près de 20% depuis le mois de décembre dernier et à cela on peut rajouter 4% pour l'énergie et la main-d'oeuvre.
L'accord du 3 mai 2011 a défini un indicateur qui permet de mesurer comment la hausse de l'aliment est prise en compte dans les prix de vente des abattoirs. Il s'agit du ratio entre le prix du poulet sorti abattoir et l'indice Itavi Poulet. Lorsque ce ratio dépasse +ou - 10% de la moyenne 2006-2010, l'accord prévoit qu'il faut rouvrir les négociations. C'est aujourd'hui le cas.
Malheureusement, ce n'est pas l'interprétation des distributeurs La grande distribution fait valoir qu'elle a accepté une augmentation des tarifs de 12% en 2011 à la suite de la hausse des prix des céréales mais les abatteurs ont concédé une baisse de 4% début 2012. Bref, le compte n'y est pas. J'entends bien l'argument des grandes surfaces selon lequel l'augmentation des prix au détail va amputer le pouvoir d'achat et peser sur la consommation. Mais j'ai bien noté aussi que l'Observatoire des prix et des marges a mis en évidence un taux de marge beaucoup plus élevé pour la volaille que pour la viande de boeuf.
Comment comptez-vous convaincre la grande distribution de revenir à la table des négociations?
M.P. » Nous avons écrit aux distributeurs; j'ai rencontré Jacques Creyssel, le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution. Des rencontres ont lieu entre les producteurs et les distributeurs. Nous essayons de convaincre les distributeurs que l'augmentation du prix des matières premières ne se résume pas à un débat entre céréaliers et éleveurs comme ils le laissent entendre et qu'il appartiendrait aux céréaliers de vendre moins cher pour régler les difficultés des éleveurs. Comme si les distributeurs ne répercutaient pas à la pompe l'augmentation du prix du pétrole. Quoi qu'il en soit, nous n'allons pas attendre éternellement: il faut que, d'ici la fin du mois d'août, les négociations aient redémarré pour recaler le niveau des contrats.
Vous faites donc l'impasse sur l'accord de contractualisation entre filières végétales et filières animales pour lisser les prix
M.P. » La contractualisation entre céréaliers et éleveurs ne peut fonctionner que si les distributeurs s'engagent. Je ne vois pas comment les différents maillons de la filière pourraient s'inscrire dans cette démarche s'ils n'ont pas l'assurance de pouvoir contractualiser tout au long de la filière sur des prix objectifs. D'accord pour la contractualisation, mais elle doit démarrer du distributeur et remonter vers l'amont pour lisser les variations de prix.
La filière avicole française va mal. Pourquoi ne profite-t-elle pas du dynamisme du marché de la volaille?
M.P. » Effectivement, nous importons 44% de notre consommation. Entre1998 et2011 la production française de volaille a reculé de 20% et celle de la dinde a perdu 46% de ses volumes depuis 1999. Bref, nous avons un problème de compétitivité. Nous avons subi et nous ne cessons de subir un empilement de contraintes diverses et variées, notamment administratives, qui a pesé sur les revenus des éleveurs. Conséquence, ils n'ont pu procéder aux investissements nécessaires pour améliorer leur productivité. Le parc des bàtiments est vieillissant et il n'y a pratiquement pas eu d'investissements depuis 10 ans en élevage.
Quant aux opérateurs industriels, la diversité et la qualité des gammes de produits qu'ils proposent renchérissent les coûts alors que nos concurrents sont sur des marchés peu segmentés, facilitant des productions en grandes séries moins chères. Sans parler de leur propension à se battre et à casser les prix pour se placer dans la grande distribution.
Les pouvoirs publics ont également leur part de responsabilité. Aujourd'hui, ils sont au pied du mur: ils doivent nous dire s'ils souhaitent redynamiser la filière avicole aussi bien à l'export que sur le marché intérieur.