Le rapport Martin reconnaît le rôle «indispensable» de l'irrigation
Irrigation Philippe Martin a remis au gouvernement son rapport sur la gestion quantitative de l'eau. Il y souligne l'importance de l'eau pour maintenir la production agricole, préconise de lever le moratoire sur la création de réserves d'eau et d'assouplir les processus qui le permettent.

Dans son rapport, Philippe Martin regrette que les pouvoirs publics aient « presque abandonné toute incitation publique au développement de l'irrigation ».
Au cours de ma mission, j'ai constaté qu'il serait difficile d'obtenir un consensus national sur la question de l'eau», a confié Philippe Martin, en sortant de l'hôtel Matignon. Le 5 juin dernier, le député du Gers remettait à Jean-Marc Ayrault, Delphine Batho et Stéphane Le Foll un rapport sur la gestion quantitative de l'eau en agriculture, fruit des six mois de mission qui lui a été confiée. Philippe Martin poursuit: «Mais localement, les différentes parties prenantes s'accordent généralement en faveur d'une utilisation plus efficiente de l'eau par l'agriculture, et sur le fait qu'il n'en faut pas nécessairement “toujours plus※.
Voilà pourquoi, dans son rapport, le député propose, pour trouver un «nouvel équilibre» dans les besoins et usages de l'eau, de «passer par l'élaboration de projets territoriaux, sans polariser les débats sur les modèles agricoles», peut-on lire. Des projets qui demanderaient une vraie concertation en amont, qui pourraient être cofinancés par des crédits européens et les collectivités locales, bénéficier du soutien des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) et des Agences de l'eau.
Développer l'irrigation:un choix local
Philippe Martin préconise en particulier de lever le moratoire pris par Delphine Batho en octobre2012 sur le financement par les agences de projets de stockage de l'eau pour l'irrigation. Les «projets territoriaux» qu'il appelle de ses voeux mériteraient de «mobiliser plusieurs leviers [] en agissant non seulement sur le stockage de l'eau, mais aussi sur la demande et sur les économies d'eau».
Le rapport de Philippe Martin propose, concrètement, plusieurs changements: d'abord celui de réduire les recours possibles contre des projets de stockage de l'eau «à une période raisonnable (deux mois) après les autorisations» afin de limiter les situations de blocage de projets engagés. Le député juge en revanche, contrairement à une demande des organisations agricoles, qu'il n'est pas utile de relever le seuil à partir duquel les projets doivent s'acquitter d'une étude d'impact et d'une demande d'autorisation.
En outre, le bilan de la gestion quantitative de l'eau en agriculture fait apparaître des lacunes: manque d'études sur l'emploi agricole et agroalimentaire lié à l'irrigation, ou encore le manque de cadre juridique pour définir des règles de répartition de l'eau entre agriculteurs.
Multiples regrets
Dans son bilan de la mise en oeuvre de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006, le député voit d'un bon oeil l'attribution de volumes d'irrigation fixes et définis (contrairement aux irrigants) et estime donc «inopportun de remettre en cause la signature par les préfets dans trois des principales régions d'irrigation (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes) de protocoles convenus fin 2011 avec les chambres régionales d'agriculture, et ce malgré des défauts évidents».
De manière plus générale, le député du Gers estime «regrettable» que les pouvoirs publics aient «presque abandonné toute incitation publique au développement de l'irrigation, tout au moins au niveau national», alors que «ces choix devraient dépendre des circonstances» locales: «ressources en eau disponibles dans de bonnes conditions environnementales, valeur ajoutée des productions attendues et des emplois créés» peut-on lire dans le rapport.
Les collectivités qui voudraient développer l'irrigation pourraient, suggère-t-il, «réserver ces aides à des productions à forte valeur ajoutée ou au contenu en emplois avéré (maraîchage, etc.) et/ou à certaines catégories de bénéficiaires (jeunes agriculteurs en phase d'installation, exploitations de taille moyenne, etc.)». Pour les projets de substitution, que le député distingue de façon insistante, les possibilités d'orienter les aides des collectivités sont plus restreintes.
«L'agriculture a besoin d'eau»
«Il y a une demande de l'agriculture pour disposer d'eau en quantité et en régularité suffisantes pour garantir la qualité, la quantité et la pérennité de leurs cultures», a expliqué Philippe Martin. Le député aura eu la lourde tàche de faire la synthèse de discours très opposés des organisations agricoles majoritaires et d'associations écologistes ou de pêche. Sa conclusion: «À long terme, il faut peut-être faire évoluer les pratiques agricoles vers des cultures plus économes en eau, mais cela ne se décrète pas et ne se fera pas en un jour! À court et moyen termes, l'agriculture a besoin d'eau».
Philippe Martin a rencontré et auditionné, lors de cette mission, des organisations agricoles, représentant des industries agroalimentaires, associations de protection de la nature, de consommateurs, de pêcheurs et conchyliculteurs, des établissements publics (agences de l'eau, instituts de recherche, etc.), administrations (9 auditions), des associations d'élus, le Conseil économique, social et environnemental et d'autres usagers de l'eau. Quatre déplacements ont été organisés.
Son rapport, a-t-il insisté à sa sortie de Matignon, n'est qu'une des pierres parmi l'ensemble d'études et de missions lancées sur la question de l'eau. Ce qu'en retiendront les ministres n'est pas connu. La conférence environnementale de septembre 2013 devrait mettre le sujet à plat sur la table des négociations.