Loi d'avenir agricole : la bataille politique a commencé
Le débat parlementaire sur ce projet de loi a mis en lumière les récurrentes oppositions de fonds sur les visions de l'avenir agricole. Les uns clament à l'oubli de la compétitivité et de la dimension productive de l'agrculture, les autres assurent que l'agroécologie est la solution.

Le ministre de l'agriculture a dû faire face à un tir de barrage nourri de la part de
l'opposition lors des débats à l'Assemblée nationale. © Réussir
l'opposition lors des débats à l'Assemblée nationale. © Réussir
L'Assemblée nationale a adopté ce 14janvier, en première lecture, le projet de loi pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt avec le soutien de l'ensemble des groupes de la majorité et avec l'abstention du groupe UDI. Stéphane Le Foll salue ce vote, qui «marque le soutien par la représentation nationale de la détermination du gouvernement à engager l'agriculture française dans une nouvelle ambition autour de la compétitivité économique et de la performance environnementale».
«Cette loi favorisera la transition vers un modèle agroécologique, le renouvellement des générations, et une nouvelle relation de l'agriculture à la société tout entière», est-il écrit dans un communiqué du ministère de l'agriculture. «Je remercie l'ensemble des députés pour la qualité de nos débats, empreints de passion et d'esprit constructif. C'était à la hauteur de ce que notre agriculture attend de nous», a déclaré Stéphane Le Foll.
Opposition droite-gauche
Les débats avaient commencé le 7 janvier. Pendant les dix premières heures, les députés ont donné leur lecture du projet de loi de Stéphane Le Foll. Un «texte qui correspond aux attentes de votre majorité, mais certainement pas aux attentes de la majorité des agriculteurs, confrontés aux marchés mondiaux et à la concurrence de nos voisins toujours plus féroces», a asséné Bruno Le Maire (UMP). Le côté droit de l'hémicycle s'est livré à une attaque en règle du projet de loi: la compétitivité, la question du dumping social, les difficultés des zones intermédiaires, les charges sociales, etc. figurent «au rang des oubliés de la loi», a déploré l'opposition.
Quant au GIEE, que le ministre présente comme un dispositif volontaire, clé de voûte de l'agroécologie, l'opposition y voit une «complexification», craignant que le dispositif ne devienne «obligatoire», dans la mesure où les aides seront orientées prioritairement vers ces groupements. «La priorité, a lancé Jean-Louis Costes, député UMP du Lot-et-Garonne. C'est bien la compétitivité, la simplification, l'allégement des charges» et «pas de faire des kolkhozes écologistes». Bruno Le Maire a préféré qualifier les GIEE de «sorte de monstre juridique dont les agriculteurs français ne verront pas l'utilité».
Stigmatisation
À de nombreuses reprises, l'UMP a donc dénoncé une loi «inutile», «qui n'a d'avenir que le nom», qui «manque d'ambition», un «choc de complexification» au lieu de la simplification annoncée, et dénonçait une «présomption de culpabilité» des agriculteurs vis-à -vis de l'environnement. C'est pour le «bon sens paysan» qu'a aussi plaidé l'UMP. Et Marc Le Fur de lancer «assez du prétexte écologique pour taper sur les paysans».
«Nous n'avons pas tous la même lecture», a analysé Yves Daniel (groupe Socialiste, républicain et citoyen). De fait, pour les députés de ce groupe, la loi permet bien de répondre aux enjeux actuels du monde agricole. «C'est la première fois qu'un ministre de l'Agriculture reprend à son compte le terme d'agroécologie et l'inclut dans sa politique. Je veux saluer à sa juste valeur ce changement», a défendu Delphine Batho. L'ancienne ministre de l'écologie a martelé: «L'agroécologie, c'est l'inverse d'un retour en arrière. C'est la mobilisation des techniques les plus modernes au service de la réussite économique». Et d'interpeller: «Où avez-vous vu, chers collègues de l'opposition, que la loi impose à qui que ce soit de créer un GIEE?» C'est au contraire «un choix positif», a-t-elle ajouté.
Des avancées malgré tout
Malgré les désaccords, UMP et UDI reconnaissent quelques outils intéressants de cette loi, et la majorité s'est dit ouverte à la discussion sur d'autres. Le débat ne fut donc pas vain. Par exemple, les députés de l'opposition ont salué les avancées qu'elle propose en matière de relations commerciales avec l'élargissement du recours à la médiation, ainsi que les changements apportés par décret et arrêtés sur les ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement), notamment la création d'une procédure d'enregistrement, tout en estimant que plusieurs points sont à revoir.
Avant que ne commence l'étude des amendements au projet de loi, Stéphane Le Foll s'était montré ouvert sur plusieurs points. D'abord sur l'extension du CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi) aux coopératives et aux CUMA: «Nous devrons trouver une solution», a-t-il répondu à Marc Le Fur (UMP) qui l'interpellait sur ce sujet. «Le crédit d'impôt compétitivité emploi s'adresse en effet aux entreprises qui paient l'impôt sur les sociétés, a précisé le ministre. À ce titre, les coopératives agricoles exonérées de cet impôt, et notamment les coopératives d'utilisation de matériel agricole, les CUMA, ne peuvent bénéficier de cette aide à la compétitivité». C'est là que les lignes doivent bouger.
Sur les ICPE, Stéphane Le Foll a soutenu que, gràce à la création, fin décembre par décret, d'un régime d'enregistrement, «les procédures se trouvent simplifiées». Et d'ajouter: «En outre, je rappelle devant l'Assemblée que cette procédure concernera 8000 élevages, et à peine 200 élevages de plus de 2000 porcs. Nous nous adressons donc bien au plus grand nombre, et à tous ceux pour qui la simplification des procédures est indispensable». Enfin, «personne, ici, ne considère qu'exporter, c'est mal! a tonné le ministre de l'agriculture. Au contraire, cela fait partie des choix stratégiques. Il n'y a aucune raison d'opposer les marchés locaux aux exportations». Ce texte adopté sera examiné par le Sénat en avril 2014.