Les producteurs de grandes cultures restent sur leur faim
Organisé pour la première fois dans le Sud-Ouest, le Sommet du végétal a été marqué par le climat de colère dans les rangs des producteurs, qui ont formulé plusieurs attentes concrètes. Les réponses du ministre de l'agriculture les ont visiblement laissé sur leur faim.
Les producteurs français de grandes cultures viennent de voir leurs résultats économiques toucher le plus bas niveau des dernières décennies, après une année 2013 déjà bien loin de l'image d'Épinal du céréalier prospère. Ils vivent aussi une accumulation de contraintes et menaces de tous ordres qui pénalisent leurs activités. Alors ils ont la mine des mauvais jours.
Réunis à Saint-Pierre-du-Mont, mercredi et jeudi dans le cadre du Sommet du végétal, les membres de l'union Orama (AGPB, AGPM, FOP) ont martelé le besoin de redonner des perspectives à leur métier. «On demande aux pouvoirs publics de nous faire confiance, a expliqué le président Philippe Pinta. Nos entreprises ont besoin de retrouver de l'oxygène».
L'espace de deux jours, l'agglomération montoise s'est transformée en capitale française du secteur céréalier. Un statut bien légitime, au regard du poids de ce département dans la production française de mais notamment. Ce rendez-vous d'envergure nationale prenait également une carrure supplémentaire avec la venue du ministre de l'agriculture, dont le discours était très attendu. Ainsi, bon nombre d'observateurs avaient le regard tourné vers les Landes, hier.
Des solutions proposées
De tables rondes en débats, les six cents congressistes ont beaucoup ferraillé. Une inquiétude grandissante mêlée à un profond sentiment de colère était rapidement palpable. De nombreux témoignages se sont focalisés sur une réglementation devenue insupportable. Les producteurs de céréales et d'oléoprotéagineux ont l'impression de subir une attaque en règle sans précédent. Ils ont évoqué l'urgence à arrêter le rouleau compresseur réglementaire, citant au passage les incohérences de la Directive Nitrate, la confiscation des produits de protection des plantes ou encore les blocages sur l'irrigation (le dossier Sivens était dans toutes les bouches).
Loin de se contenter de critiquer, les membres d'Orama ont surtout des solutions à proposer. Ils entendent défendre un modèle d'agriculture à vocation de production. Le seul, selon eux, capable de répondre aux défis de la société. Et pour y parvenir, ils ont besoin de retrouver les coudées franches, autrement dit qu'on leur laisse la liberté d'entreprendre. «Laissez nous produire plus et mieux», a de nouveau lancé Philippe Pinta.
L'habileté du ministre
Car les réponses apportées aujourd'hui sont loin d'être suffisantes. La réforme de la PAC foisonne «d'incohérences préjudiciables», selon le président d'Orama, qui en profite pour rappeler que les céréaliers ne perçoivent réellement que 20% du montant total des aides du premier et du second pilier. Dans ce même dossier, les critères des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) élaborées dans le cadre du second pilier de la PAC sont jugés totalement inadaptés à la réalité du terrain.
De manière générale, les responsables professionnels prônent une intensification soutenable et appellent les pouvoirs publics à faire preuve d'intelligence réglementaire. Deux thèmes débattus à l'occasion des tables rondes. Ils évoquent aussi la mise en oeuvre de systèmes de sécurisation du revenu. D'autres attentes très concrètes ont également été exprimées à Saint-Pierre-du-Mont, à l'image d'une amélioration profonde de la déduction pour aléas (DPA) par rapport à celle votée par le Parlement fin 2014. Les dirigeants d'Orama ont également exprimé leur souhait de limiter la subsidiarité dans les paiements PAC, en n'allant pas plus loin en France en 2017 (pas d'augmentation du prélèvement au titre de la surprime aux 50 premiers hectares).
Face à une attitude du gouvernement jugée irresponsable, un véritable cri d'alerte a été lancé. Au cours des discussions, des interrogations ont fait jour quant à la forme des actions syndicales qui doivent être conduites à l'avenir. Certains n'hésitent pas à appeler à changer de braquet. Quelle que soit la stratégie retenue, des avancées concrètes sont désormais attendues. Chez les syndicalistes, ce Sommet du végétal 2015 marquait peut-être le sommet de leur patience.
Fabien Brèthes