La Chine, un puissant exportateur agroalimentaire à surveiller
«Â Usine du monde », la Chine a conquis son rang de seconde puissance économique en vendant des objets à bas prix : jouets, vêtements, téléphones, ordinateurs mais aussi ses produits agroalimentaires.

Juin 2010, un marchand de volailles et lapins tue et découpe à la demande. Même dans une mégapole moderne, telle Canton (11 millions d'habitants), la réfrigération est rare et l'hygiène archaique. © Réussir
Pour sortir 720 millions de paysans chinois de la pauvreté, le gouvernement chinois ne pouvait pas compter sur les fermes minuscules peu compétitives. Il a donc fait le choix de faire l'impasse sur la production de céréales, préférant acheter mais et blé sur les marchés internationaux, et de miser sur les produits transformés, tels les « poêlées » surgelées de légumes épluchés, et sur certaines productions comme le miel, les jus de fruits, les pignons, le concentré de tomate - dont la province du Xinjiang est désormais leader mondial - nécessitant une forte main-d'oeuvre.
Aujourd'hui, la Chine est devenue le cinquième exportateur mondial de produits agroalimentaires et n'entend pas en rester là . Ainsi, elle sera fortement présente au prochain SIAL qui se tiendra à Paris du 17 au 21 octobre. Or, les denrées chinoises entrent dans la composition de nombreux plats cuisinés sans que rien ne signale leur origine. Le problème, c'est que de nombreuses malversations - pour la plupart révélées à l'étranger - concernent ces fabrications made in China. Scandales à répétition
En 2008, le scandale le plus important a été celui des produits laitiers contaminés à la mélamine. Cet additif fausse les tests de laboratoire et simule une richesse en protéines, mais provoque des calculs rénaux chez les consommateurs. Selon les autorités chinoises, le lait frelaté a intoxiqué plus de 300.000 personnes et tué 3 enfants.
Des sources non officielles révèlent un nombre de victimes plus élevé. Malgré les promesses gouvernementales de détruire les réserves de lait contaminé, des stocks sont réapparus récemment. Déjà , en mars 2007, une pàtée frelatée à la mélamine avait empoisonné des chiens et chats en Amérique du Nord. Après des plaintes de consommateurs, 60 millions de boîtes contenant des ingrédients d'origine chinoise furent retirés du marché.
En août 2010, les produits laitiers sont à nouveau incriminés en Chine. Des fillettes d'un à deux ans nourries avec le lait infantile Synutra présentent des symptômes de puberté précoce. L'industriel et les autorités nient toute implication du lait. Plusieurs experts laitiers chinois révèlent cependant que certains éleveurs stimulent la production des vaches par des estradiols. Ces hormones de synthèse transmises par le lait provoquent une croissance mammaire.
En matière industrielle et agroalimentaire, les Chinois ne s'embarrassent pas avec les normes de sécurité ou d'hygiène de l'Ouest. Petite liste de pratiques sordides : dopant à base d'arsenic utilisé dans les élevages de porcs afin que les animaux arborent une jolie peau rose ; extraction à partir des cheveux humains de la L-cystéine à usage alimentaire (souvent incorporée dans les sauces de soja)
Contrôleurs corrompus
La composition des produits agroalimentaires est surveillée par des fonctionnaires aussi nombreux qu'influençables. Zheng Xiaoyu, directeur de l'Agence de réglementation des médicaments et des produits alimentaires a été exécuté en 2007 pour corruption, ce qui révèle la déliquescence du système de contrôle. En Chine, l'étiquette d'un produit est juste un texte séduisant pour mieux vendre. Ainsi, le portail des consommateurs musulmans www.al-kanz.org signale avec humour le logo halal affiché sur une préparation de porc chinois exportée à Paris.
La Chine copie immédiatement tout succès commercial. Les contrefaçons prolifèrent dans tous les domaines, y compris alimentaire, d'où des risques pour la santé. Contrôlée par l'État, la presse ne peut informer le public. Un espoir cependant : pour contourner la censure, de plus en plus de consommateurs s'expriment sur les blogs. En critiquant certains produits agroalimentaires, ils dénoncent la corruption des filières et de certains rouages du pouvoir.
Julienne Nezan
Pollutions silencieuses Dans la Chine rurale, les déchets ménagers nourrissent l'élevage familial et les chiffonniers collectent tout ce qui peut se recycler. Les résidus irrécupérables finissent au bord des rivières, les sacs en plastique volent au vent, sont ingérés par les animaux ou brûlés dans les champs. Personne ou presque ne se soucie de la dioxine dégagée par la combustion des ordures. Les paysans épandent de fortes doses d'engrais, dont seul le fabricant connaît la composition réelle. La réglementation sur les pesticides est laxiste. Peut-on cultiver des aliments sains sur une terre polluée ? Des citoyens, des journalistes chinois s'expriment, mais le pouvoir les réprime : il ne faut pas nuire à l'image de la Chine et de ses entreprises. Militant écologiste, Wu Lihong en témoigne : il a passé trois ans dans un bagne chinois pour avoir dénoncé la pollution d'un lac.