Comme sur des roulettes
La distance entre les pàturages et la salle de traite peut être un handicap de taille. Pour remédier à cette difficulté, des éleveurs ont imaginé des salles de traite mobiles.
Comment faciliter le pàturage de 60 à 70 vaches laitières quand le siège de l'exploitation est basé au coeur d'un village sans aucune parcelle à proximité ? Les bàtiments de la ferme laitière le GAEC de l'Abreuvoir, à Saint-Sorlin de Morestel (Isère) sont au coeur du village, ce qui rend la traite difficile. Cela contraint les vaches à effectuer des allers-retours sur la route entre la stabulation et le pàturage. Outre les mauvaises conditions de sécurité, ces navettes demandent trop de temps. « Il a fallu trouver une parade. J'ai réfléchi à l'installation d'une salle de traite mobile pour me rendre sur le lieu de pàture des vaches. J'ai procédé à un échange de parcelles à l'amiable entre agriculteurs de manière à avoir un îlot de 26 ha d'un seul tenant qui est traversé de part et d'autre par une route » explique Philippe Allagnat.L'exemple savoyard
Tout commence durant l'été 2002. Philippe Allagnat a connaissance d'un procédé de salle de traite mobile dans les alpages savoyards. Là -bas, la traite dans les bàtiments d'exploitation est rendue impossible du fait de la distance entre l'alpage et la ferme. Il effectue ses premières visites en Savoie et en Haute-Savoie pour voir comment les éleveurs pratiquent ce système qu'il pourrait utiliser lui aussi. Ces voyages lui permettent de bien définir ses besoins. À son retour, l'exploitant procède à un échange de terres avec ses voisins. Parallèlement à ces découpages, il entreprend l'amélioration de « la sauterelle ». Ce nom donné à cette salle de traite mobile vient des « bonds » qu'elle effectue de parcelle en parcelle et de sa forme lorsque les panneaux solaires sont levés sur le dos de la machine.
« J'ai acheté une installation mobile que j'ai bricolée, aménagé. Je l'ai amélioré en installant un système de pompes hydrauliques pour avoir une meilleure stabilité et faciliter le mouvement des roues lors d'un déplacement à travers champs » explique Philippe Allagnat. En 2004, l'engin modifié est prêt. Il permet des économies d'énergie, de rentabiliser des équipements gràce au gain de temps avec moins de déplacements des animaux. La traite est plus rapide. La salle de traite en remorque comporte 6 postes indépendants avec décrochage automatique.
Autres avantages de ce système : les vaches sont installées dans un parc d'attente en plein air. Il y a ni paillage, ni fumier. À l'inverse, la salle de traite de l'exploitation comporte 4 postes fixes. « Avant, les vaches étaient en stabulation toute l'année. Elles étaient alimentées en mais et étaient sans pàturage jusqu'en 2003 », raconte l'éleveur. Celui-ci dresse un bilan économique, un comparatif entre les deux systèmes traite fixe/traite mobile sur la base d'un troupeau de 40 vaches laitières produisant 300 000 litres de lait. « En installant la traite mobile depuis 2004, j'ai économisé 23 000 euros : moins d'ensilage, diminution de la mécanisation, disparition du transport de paille et du fumier. J'ai fait un gain de 1 000 heures de tracteur ».Panneaux solaires
Pour faire face aux besoins en eau chaude de la traite, Philippe Allagnat a fait installer sur le toit de la machine 4 m2 de panneaux solaires fournis par une entreprise locale. Bien orientés, ils chauffent l'eau toute la journée jusqu'à l'heure de la traite. Une heure avant, si l'eau du ballon n'est pas assez chaude, un appoint électrique s'enclenche pour compléter ce besoin. L'eau chaude permet le nettoyage des canalisations laitières à la fin de traite et assure de bonnes conditions d'hygiène.
L'éleveur n'a pas encore chiffré l'économie du système solaire thermique qui a nécessité un investissement de 3 000 euros HT. La région Rhône-Alpes et l'Ademe ont financé à hauteur de 60 % le coût des panneaux solaires. Opérationnelle depuis mars 2004, la « sauterelle » se déplace régulièrement tous les deux ou trois jours, entre avril et octobre, dés que les vaches peuvent sortir en fonction des rythmes de pàture. « Ce nouvel outil a facilité le passage de l'exploitation en système de production biologique » conclut l'éleveur.
Pierre-Louis Berger