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Agricultrices passionnément

À l'occasion de la journée internationale de la femme rurale, trois étudiantes et futures agricultrices (Morgan Le Floc'h, Sophie Ringeisen et Christelle Vidiella) du lycée agricole de Montardon et deux de leurs aînées (Maryse Hournieu et Marie Ichas) jettent un regard croisé sur leur métier et sur la condition féminine en agriculture.

Elles ont une vingtaine d'années Autant dire qu'elles ont tout leur avenir devant elles ! Morgan, Sophie et Christelle : toutes trois sont étudiantes en BTS productions animales au lycée agricole de Montardon (64). Et toutes trois nourrissent l'espoir d'être un jour exploitante agricole. Elles suivent le même cursus, partagent les mêmes passions mais proviennent d'horizons fort différents.

Morgan Le Floc'h

21 ans, originaire de Bretagne, elle est aujourd'hui béarnaise parce que son père est guide de haute montagne. Passionnée d'équitation, elle a d'abord fait un BEP à  Nay avant de s'orienter à  Montardon vers les autres filières animales. Après son BTS, elle complétera son cursus par une licence professionnelle et une spécialisation afin de pouvoir travailler dans le monde de l'élevage en tant que technicienne. Mais ce ne sera vraisemblablement qu'une étape avant de s'installer, en Bretagne ou ailleurs, dans une ferme qu'elle souhaite « pédagogique ». Dans son exploitation, point de schéma productiviste mais plutôt une orientation vers la transformation fermière et la vente directe. En jouant à  fond à  la carte « terroir » et les races locales, telle que la Bretonne pie noire et la Froment de Léon. Et, objectif suprême, cette ferme abritera des chevaux « pour faire de l'équithérapie »

Sophie Ringeisen

19 ans, vient d'Alsace où son père est installé en production laitière. Elle aussi entend poursuivre ses études, en école d'ingénieur (Enita), « sinon une licence ». Sophie envisage de travailler dans un organisme technique « dans la sélection, la génétique », en tout cas dans le monde de l'élevage car sa passion pour les vaches ne date pas d'hier. Dès l'àge de 8 ans, elle s'y intéressait déjà  de très près dans la ferme paternelle. Ferme de 78 ha avec 45 vaches en traite où elle entend s'installer par la suite et remettre à  l'honneur la race vosgienne en sortant elle aussi du mode intensif et en optant pour des systèmes susceptibles d'apporter une valorisation de sa production. 

Christelle Vidiella

C'est la régionale de l'étape. Cette béarnaise de 20 ans habite Artiguelouve : son père est technicien en élevage dans une importante coopérative laitière et elle a un oncle agriculteur. Christelle « baigne » dans le milieu bovin depuis sa plus tendre enfance : « Tous les jours, j'allais à  la ferme » se souvient-elle. C'est donc tout naturellement qu'en seconde, elle opte pour un Bac STAV. Le BTS est la suite logique, et immédiatement après « je compte m'installer avec mon copain », lui-même déjà  producteur laitier dans une commune proche d'Oloron. 

Pensez-vous qu'agricultrice est un métier où l'on fait carrière ?

« Oui, sans hésiter » répond Christelle à  la question que lui pose Maryse Hounieu, la présidente de la commission agricultrice des Pyrénées-Atlantiques. D'ores-et-déjà , l'étudiante a une vision précise de son avenir professionnel dans la production laitière, « selon le mode actuel d'élevage avec éventuellement une activité complémentaire si nécessaire ». Et déjà  la future jeune agricultrice se projette dans le très long terme : elle serait comblée, au terme de sa « carrière » que son enfant — si enfant il y a — assure la succession de la ferme familiale !  Morgan, elle aussi envisage le métier d'agricultrice, en termes de « carrière ». Mais elle reste lucide et pragmatique : elle entend « poursuivre ses études pour être technicienne au cas où ». Mais, c'est sûr, « agricultrice — ou du moins l'agriculture — sera le métier d'une vie, la mienne ! » affirme-t-elle.  Même enthousiasme pour Sophie qui clame haut et fort sa passion pour l'élevage. C'est pourquoi, en prolongement de son activité dans l'exploitation, elle souhaiterait s'impliquer dans les organismes techniques, « participer à  des concours de génétique et des commissions d'éleveurs »

Agricultrice et non conjointe d'agriculteur 

Cette volonté de Sophie de s'impliquer dans la filière laitière illustre bien la ferme intention des trois étudiantes d'assumer pleinement leur rôle d'exploitante ou de co-exploitante. Morgan imagine pouvoir mener à  bien son projet d'installation en association avec sa cousine. Alors si pour Christelle la voie semble tracée, pour Sophie et Morgan, la présence du compagnon ou du mari sur l'exploitation n'est pas une condition sine qua non de la concrétisation de leur projet professionnel Un projet qui doit être viable, d'où la préoccupation des trois futures exploitantes, bien conscientes des difficultés que traversent certaines filières. Un projet qui leur permette aussi de dégager un peu de temps pour « avoir une vie de famille, une semaine de vacances ou continuer à  pratiquer des activités sportives ».

La question de la place de la femme dans l'exploitation et dans l'agriculture

Les trois étudiantes ne se la posent donc plus du tout dans les mêmes termes que se la posait Maryse Hounieu, il y a quelques années et, a fortiori, Marie Ichas, aujourd'hui retraitée, membre active de la SDAE 64 (section départementale des anciens exploitants) et de la commission nationale. Mme Ichas ne manque pas de rappeler aujourd'hui qu'elle est « devenue » agricultrice du fait de son mariage avec un agriculteur.  « Au départ, je travaillais à  la Poste, se souvient-elle. Dans mon parcours, je n'ai donc pas pensé à  l'agriculture par moi-même, mais par mon conjoint ». Puis elle s'estfait une place dans l'exploitation en développant des activités annexes dont la vente directe. À la différence de Morgan, de Sophie et de Christelle qui ont choisi ce métier et étudient pour cela, « pour notre génération, la formation est venue après, par le biais de stages ». C'est « fantastique » ajoute l'ancienne exploitante de voir « des demoiselles — si féminines — que l'on pourrait voir ailleurs que dans l'agriculture » fassent le choix de s'installer en agriculture. « Formidable aussi » qu'il y ait autant de filles dans les lycées agricoles. « Auparavant, on épousait le mari et le métier avec » Le seul fait de choisir cette profession « allège la rudesse du métier », assure Marie Ichas qui se souvient de la situation difficile de certaines épouses, à  l'heure où n'existait pas la dé-cohabitation. À l'heure aussi « où les femmes étaient façonnées par leur milieu ».

Le fruit du combat syndical et de l'évolution sociétale

« Tout ce qui est combat des féministes, nous n'y avons pas baigné dedans » résume Morgan. Maryse Hounieu n'est pas véritablement surprise par cette réponse de l'étudiante. « La société nous voit un peu à  part constate la présidente de la commission agricultrice, mais les témoignages de Morgan, Sophie et Christelle démontrent qu'elles sont bien dans leur siècle » Le fait qu'elles soient davantage préoccupées par leur projet professionnel que par la condition de la femme en agriculture démontre que bien du chemin a été fait dans l'amélioration de notre statut. Mais, ces jeunes ont bien conscience de « prendre la suite de quelque chose qui existe » comme l'affirme Sophie. « Nous savons bien que ce nous avons aujourd'hui, ce sont les générations d'avant qui l'ont obtenu ». Et Christelle de renchérir : « Et pas seulement dans le monde agricole »  Le combat pour la parité n'est pas pour autant achevé : « De nombreuses exploitantes encore aujourd'hui n'ont pas d'autonomie financière », fait observer Mme Ichas, laquelle peut toutefois entrevoir de belles lueurs d'espoir dans l'enthousiasme et la passion qu'affichent Morgan, Sophie et Christelle  Guy Mimbielle Aspects juridiques Si les femmes en agriculture, apportent un réel professionnalisme, cela doit se concrétiser par une protection au niveau des risques liés à  l'activité. Cette protection se traduit par l'acquisition d'un statut, d'une couverture, sociale, en cas d'accident, mais aussi d'une information permettant de mieux réagir face aux difficultés extrêmes de la vie.
Quel statut social ? Plusieurs options s'offrent aujourd'hui aux agricultrices : le statut de conjoint collaboratrice (maintenant ouvert aux concubins et aux pacsés), le statut de salariée agricole (plus coûteux en terme de cotisations mais offrant une meilleure protection sociale et cotisation pour la retraite) et enfin le statut d'associée exploitante de société agricole (qui lui permet d'amener plus d'égalité au plan juridique : les décisions sont alors partagées). Le nouveau GAEC entre époux ouvre de nouvelles portes en ce sens. »
Pourquoi pas une installation aidée - Si l'agricultrice remplit les conditions d'àge (18-40 ans) et de capacité professionnelle, et qu'elle démontre être en mesure d'atteindre un revenu minimum, elle peut solliciter les aides à  l'installation (DJA et prêts à  taux bonifiés). Cette installation peut se faire à  titre individuel ou en société. Par contre, on ne peut pas solliciter les aides à  l'installation et conserver un statut de conjoint collaborateur ou de salarié sur l'exploitation. En cas d'option pour la forme sociétaire, l'agricultrice devra être titulaire d'au moins 10 % des parts sociales, qu'elle les ait achetées ou qu'elle revendique la qualité d'associée sur des parts détenues conjointement par les époux.
Et en cas de divorce ? - Il est toujours préférable de consulter un avocat en cas de divorce : il expliquera au mieux la procédure et les droits de chacun. Pour résumer, on peut cependant dire que les droits de l'épouse dépendront de l'origine de l'exploitation (héritage, donation, achat avant ou après le mariage), du statut social de la conjointe (voir ci-dessus), des éventuelles disparités de revenus post-séparation, et des torts reconnus à  l'un ou l'autre des conjoints.
En en cas de décès du conjoint ? - Depuis 2002, le conjoint survivant a vu ses droits nettement renforcés : il dispose aujourd'hui de la possibilité d'opter pour l'usufruit sur la totalité du patrimoine du conjoint décédé. Cela implique qu'il ne peut plus se retrouver « délogé » du domicile conjugal par les autres héritiers. Cela n'empêche pas de prévoir une amélioration supplémentaire de la situation du conjoint survivant par testament ou donation ; il est alors conseillé de prendre l'approche de son notaire.
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