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Volatilité des matières premières : la spéculation bouc émissaire ?

L'ampleur du rôle de la spéculation dans la volatilité accrue des marchés agricoles est surévaluée par rapport à  ses effets réels ou supposés, estime-t-on chez Offre et Demande Agricole (ODA), société de conseil en gestion du risque des prix.

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La spéculation sur les marchés à  terme agricoles affiche plusieurs « paradoxes », estime Renaud de Kerpoisson, PDG de la société de conseil en gestion du risque des prix, ODA. Or les spéculateurs agissant sur les marchés de matières premières agricoles sont aujourd'hui montrés du doigt : ils seraient en grande partie responsables de la volatilité accrue des cours du blé, du mais ou du soja. La France, qui préside jusqu'en novembre 2011 le G20, a décidé de convaincre les grandes puissances économiques de réguler leurs actions. « La spéculation crée de la volatilité, mais elle n'est pas aussi forte qu'on le dit », résume-t-on cependant chez Offre et Demande Agricole. Et Renaud de Kerpoisson de poursuivre : « Les problèmes de spéculation ne sont pas aussi importants que les problèmes de disponibilités sur les marchés. » Le PDG d'ODA admet toutefois « comprendre qu'il puisse y avoir quelque chose d'immoral à  gagner de l'argent en spéculant sur des denrées agricoles ». Bref, la volatilité provient d'abord de ce qui se passe sur les marchés physiques : une demande mondiale agricole croissante de la part de la Chine et de l'Inde, des accidents climatiques comme la sécheresse russe de l'été 2010, une dérégulation des marchés européens avec la fin des taxes à  l'importation et du stockage public. L'absence de transparence sur les stocks réels de la part de grands pays producteurs comme la Chine et exportateurs comme la Russie, constitue aussi un facteur de volatilité. Cette dernière s'explique enfin par les décisions unilatérales de la part de certains États, tel l'embargo sur ses exportations de céréales décidé par Moscou l'été dernier, ou encore par le fort développement des cultures vouées à  la production de biocarburants aux États-Unis. Fonds « non commerciaux »/fonds « indiciels » ODA souligne aussi que dans un monde économique libéral, les marchés à  terme restent « un outil central de gestion du risque des prix ». Ils fournissent des informations permettant aux agriculteurs de calculer des marges prévisionnelles et se protéger de la volatilité ambiante. « La réforme de la PAC a transformé malgré eux les agriculteurs en spéculateurs », aime aussi à  rappeler Renaud de Kerpoisson. Il n'est pas contre une régulation des marchés à  terme au niveau des acteurs et de leurs positions, mais il souhaite que le G20 parle aussi de « la formation » des acteurs. ODA distingue en outre les effets de la spéculation sur les prix agricoles selon qu'elle provient de fonds « non commerciaux » ou de fonds « indiciels ». Les premiers spéculent à  la hausse et à  la baisse sur du court terme. Les fonds indiciels (index funds), eux, « sont structurellement investis dans les marchés à  terme » au travers de « paniers » de matières premières, précise la société de conseil. Selon Renaud de Kerpoisson, « on est incapables de dire si les fonds indiciels ont une action à  la hausse ou à  la baisse sur les prix » car, après une étude sur le blé entre 2007 et 2011 sur la place de Chicago, réalisée par ODA, « rien n'est statistiquement prouvé ». On observe même un paradoxe en 2009-2010, lors de la chute des cours liée à  un surplus : achetant essentiellement et beaucoup sur les marchés à  terme, les fonds indiciels ont soutenu les cours et évité qu'ils ne s'effondrent davantage Les spéculateurs apportent de plus des liquidités permettant aux agriculteurs de se couvrir. Du coup ODA met en garde contre une régulation « trop contraignante » qui « empêcherait les agriculteurs ou les industriels de se couvrir » sur les marchés à  terme. Stocks immobilisés Néanmoins, quand des fonds indiciels achètent beaucoup de blé au cours d'une période de stocks bas, « ils immobilisent implicitement du stock et leurs positions peuvent peser à  la hausse sur les prix », admet-on chez ODA. La question est de savoir ensuite comment rendre ces stocks à  nouveau disponibles. Ces fonds indiciels immobilisent aujourd'hui 52 millions de tonnes (Mt) de mais sur un stock mondial de 127 Mt – ce qui est considérable – et 28 Mt de blé sur 178 Mt. Le cas des fonds « non commerciaux » est différent. La même étude d'ODA sur le blé nous apprend qu'il existe 70 % de chances que les prix augmentent selon le niveau de position de ce type de spéculateurs, lorsqu'ils achètent sur les marchés à  terme. Et l'impact est de court terme. Néanmoins, entre 2007 et 2011, les fonds « non commerciaux » ont essentiellement vendu sur ces marchés. De plus, en admettant que l'action des différents spéculateurs génère une hausse sur les marchés, ODA constate un autre paradoxe de la spéculation : « Elle va inciter les agriculteurs à  produire et va équilibrer les bilans. Elle va aussi inciter les pays consommateurs à  redévelopper une agriculture locale et vivrière », note son PDG. Ce qui amène Renaud de Kerpoisson à  cette conclusion : « La vraie raison de la hausse des marchés est les conditions d'offre actuelles. Il faut relancer les productions et accroître les capacités de stockage. » Aujourd'hui, la Chine, l'Afrique du Nord et l'Inde édifient de nouveaux silos. Appel au développement du stockage à  la ferme La société de conseil ODA estime qu'il existe « plein de bonnes raisons d'encourager le stockage à  la ferme ». La première d'entre elles réside dans la baisse des capacités européennes et françaises de stockage collectif car elles coûtaient cher aux contribuables et ne collaient pas avec le credo libéral en vogue à  l'OMC. Une deuxième raison réside dans la nécessité de moins dépendre des accidents climatiques, en particulier pour les éleveurs. En effet, le coût de l'alimentation animale pèse très fortement dans leurs coûts de production.
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