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Documentaire
L’Amour vache : un drame béarnais sur les écrans

La détresse du couple d’éleveurs d’Ozenx-Montestrucq (64) est racontée par Édouard Bergeon. Le réalisateur du film “Au nom de la terre”, est venu en Béarn les soutenir, tout en réalisant un documentaire.

Sylvie et Bernard Dahetze gardent le sourire malgré l’épreuve qui les a touchés et l’émotion toujours palpable lorsqu’ils replongent dans leur histoire.
© F.H. Le Sillon

Quand Sylvie Dahetze publie son poste Facebook en pleine nuit d’insomnie, elle ne s’attend pas à une telle répercussion. Ce 18 avril 2020, ce qui l’empêche de dormir, c’est l’annonce de l’obligation d’abattre son troupeau de Blondes d’Aquitaine suite à la confirmation d’un cas de tuberculose sur une vache. Sylvie se souvient. «Chacun va réagir à sa façon. Mon mari est plus taiseux. Moi, j’ai eu besoin de l’exprimer sur les réseaux sociaux, et j’ai publié un post à 6 h 00 du matin, sans y réfléchir… C’était une bouteille à la mer.»

Le message arrive pourtant jusqu’à Édouard Bergeon, le réalisateur du film “Au nom de la terre”, avec Guillaume Canet. Touché par la situation des éleveurs d’Ozenx-Montestrucq (64), il prend contact avec eux et décide de leur rendre visite. La famille est en détresse. Bernard Dahetze n’a plus de revenu. Entre la réglementation et le confinement, il ne peut plus rien vendre mais doit quand même continuer à nourrir les bêtes et s’occuper des fourrages. «Il y a un vide législatif pour le revenu des agriculteurs. […] C’est comme si un salarié partait travailler sans salaire», raconte l’agricultrice. Avec le revenu de son épouse à peine au-dessus d’un smic, Bernard Dahetze n’a même pas le droit au RSA.

« Chronique sociale et sociétale »

Le couple a accepté qu’Édouard Bergeon tourne un documentaire. Le réalisateur le décrit comme «une chronique sociale et sociétaleIl y a beaucoup de sous-texte. On peut tous quelque part s’y retrouver au-delà du drame et de la maladie de la tuberculose. Ça, c’est le point de départ qui est dramatique. C’est pour ça que j’y vais et que je ne les laisse pas tout seuls, parce qu’ils sont tout seuls.» Bernard Dahetze rappelle qu’ils trouveront malgré tout du soutien auprès des représentants de la profession agricole, comme Philippe Basta, élu à la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques, ou Hélène Lavedrine, juriste à la FDSEA 64.

Le documentaire a été tourné chez nous mais ça aurait pu arriver chez n’importe qui

Édouard Bergeon leur présente aussi le député du Lot-et-Garonne Olivier Damaisin, avec qui, il travaille pour une mission parlementaire sur le mal-être agricole. Malgré cette commande gouvernementale, le réalisateur trouve que la vie rurale est de moins en moins documentée. «Aujourd’hui il y a des diktats qui sont érigés par des personnes qui sont complètement déconnectées du monde agricole. Je ne juge personne. Ce documentaire raconte ce qu’est la France agricole et rurale», observe le titulaire d’un bac pro agricole, qui a grandi dans une ferme avec des grands-parents et parents agriculteurs.

Après plusieurs documentaires traitant déjà du monde paysan, il sort en 2019  “Au nom de la terre” une fiction inspirée du drame de son père agriculteur. «À la base, j’en avais fini après ce film, confie-t-il. Ce sont des dossiers qui me secouent. Depuis, j’ai un message par semaine d’appel au secours d’agriculteurs. Je comprends qu’on doive abattre mais il faut l’expliquer et accompagner financièrement et psychologiquement».

«Tout le monde tremble»

Bernard Dahetze voit ce film autrement qu’un récit de leur histoire personnelle. «Je ressens la colère à travers tous les éleveurs du coin qui sont touchés. Le documentaire a été tourné chez nous mais ça aurait pu arriver chez n’importe qui. «Car si leur vache est sortie positive à la tuberculose, plusieurs élevages du secteur ont connu depuis le même sort. «Tout le monde tremble à chaque prophylaxie. À Loubieng, seuls trois troupeaux n’ont pas été touchés sur une quinzaine.» À Ozenx-Montestrucq, un autre éleveur est contraint actuellement d’abattre…

Le soutient du réalisateur les a aidé à traverser cette épreuve. «Ça nous a fait du bien qu’il soit là», lance Sylvie Dahetze, qui a apprécié son empathie et sa bienveillance, contrastant avec «l’inhumanité» de certains services de l’administration…

La spirale négative ne s’arrêtera pas là puisque rapidement suite à l’annonce du cas de tuberculose, Sylvie devra quitter son emploi dans la grande distribution. «Tout se remet en question. Bernard, en un rien de temps, perd son outil de travail, et moi j’allais bosser avec la boule au ventre», lâche-t-elle, avant finalement de rebondir. «J’ai pu suivre une formation où les stages se sont bien passés et j’ai été retenue sur un poste qui s’est libéré à l’Adapéi. Je n’étais plus habituée à recevoir des compliments. Bernard le ressent, je suis aujourd’hui contente d’aller au boulot.»

Cette période d’anxiété restera difficile pour le couple. «Il y a la peur de revenir sur le marché du travail à 53 ans. Il n’y aurait pas eu la tuberculose je ne me serais pas posé autant de questions… Mais c’est valorisant de réussir une reconversion, bûcher et repasser un diplôme.» Bernard sourit. «Moi aussi j’ai failli repartir en formation…»

Le couple a accepté d’être filmé «dans l’état d’esprit de garder une trace de son troupeau». “L’Amour vache” a été diffusé sur les écrans du cinéma le Pixel à Orthez hier soir (jeudi 23 février). Bernard et Sylvie Dahetze seront avec Édouard Bergeon sur France Inter lundi 27 février vers 9h00, avant une diffusion du documentaire sur France5, prévue le dimanche 5 mars à 20h55.

Fabrice Héricher

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