Comme à Chàlons-en-Champagne, dans la Marne, plusieurs milliers d'agriculteurs se sont mobilisés pour dénoncer l'empilement des contraintes environnementales.
Presque partout en France, le 16 janvier dernier, plusieurs milliers d'agriculteurs se sont mobilisés à l'appel de la FNSEA et des JA. Selon le syndicalisme majoritaire, 64 départements à travers toute la France auraient participé à ces manifestations. Leur but: dénoncer la sur-réglementation en matière d'environnement. À l'heure où le ministre de l'agriculture veut réussir à concilier écologie et économie, le message a manifestement du mal Alors que la réunion «Produire autrement» avait été plutôt bien acceptée par les dirigeants syndicaux, la mise en oeuvre très prochaine de nouvelles réglementations est venue tendre la situation. L'écoute attentive fait place à un dialogue de sourd.
Les agriculteurs ont demandé un moratoire sur la révision de la directive Nitrate. Selon eux, les textes existants (un arrêté et un décret) et ceux qui se profilent (les programmes d'actions) sont trop technocratiques et les exigences environnementales y sont renforcées. Un «empilement réglementaire» qui pourrait mettre en péril la viabilité économique de certaines exploitations, en particulier dans l'élevage, font valoir la FNSEA et les JA.
Des efforts mal récompensés
Les syndicats veulent également que ces programmes soient négociés à l'échelle locale, et non uniformes à l'échelle nationale. Autre mot d'ordre: la reconnaissance des efforts réalisés par le secteur depuis 15 ans pour réduire l'utilisation d'engrais azotés et mettre aux normes les élevages. Il ne s'agit pas de nier les aspects environnementaux, se défendent les organisateurs, mais de trouver une situation plus équilibrée.
Les ministres de l'Agriculture et de l'Écologie ont rappelé, en fin de journée du 16 janvier, qu'ils sont «attentifs à répondre aux exigences imposées par l'application de la directive "Nitrate" dans le respect des principes agronomiques qui ont toujours régi la mise en oeuvre de cette directive en France». Des négociations pourraient s'ouvrir, dit-on au ministère de l'Agriculture, mais après le 31 janvier, date de clôture des élections aux chambres d'agriculture.
Les pentes de plus de 7%
Dans l'entourage de Stéphane Le Foll, on souligne d'ailleurs la coincidence entre les prochaines élections professionnelles et ce mouvement syndical. Et on y rappelle que «la France est tenue de se conformer aux exigences communautaires dans le cadre de la directive Nitrate», sous peine de «sanctions financières qui seraient très lourdes».
À travers la France, bien des contraintes étaient contestées. L'interdiction d'épandre des déjections animales liquides sur des pentes à plus de 7%, qui se profile, fait bondir les agriculteurs: cela condamnerait 75% des surfaces françaises, calculent-ils. «À raison de 40m3 par hectare, c'est l'équivalent de 4mm de pluie. On ne peut pas dire qu'il y a ruissellement!», s'emporte Laurent Champenois, administrateur de la FDSEA de la Marne et polyculteur éleveur.
Coûts supplémentaires
Cette révision de la directive Nitrate et l'arrivée du cinquième programme d'action, qui en est l'outil, impose par exemple d'augmenter la capacité de stockage des effluents d'élevage (de plusieurs mois selon qu'il s'agit d'élevage de bovins ou de porcs). «On n'a déjà pas fini de rembourser nos mises aux normes qu'on nous remet des investissements obligatoires qui vont générer des coûts supplémentaires qu'on n'est pas capables de répercuter sur l'aval de notre filière», résume Bruno Lancelot, représentant des producteurs de lait de la Marne.
Les éleveurs rappellent avoir déjà dû s'acquitter de mises aux normes et construire des bàtiments pour stocker les effluents, pour répondre à plusieurs réglementations: plans de modernisation des bàtiments d'élevage, de lutte contre les pollutions d'origine agricole, plan végétal environnement ou encore directive Nitrates
Révolution silencieuse
«Nous sommes un syndicalisme de solution, de projet, et l'environnement en fait partie, assurait toutefois Hervé Lapie, responsable environnement de la FDSEA51 et éleveur de porcs, mais aujourd'hui, on est venu dénoncer l'aberration de certaines réglementations environnementales». Laurent Champenois renchérit: «On veut avancer intelligemment et continuer à produire». Et d'ajouter: «On n'est pas les seuls à polluer et on a mis beaucoup de choses en place: la couverture végétale du sol, les bilans azotés pour raisonner la fertilisation, les bandes enherbées en bord de cours d'eau. Aujourd'hui, on met 60 à 120 unités d'azote par hectare alors qu'on mettait systématiquement 140 unités, il y a 20 ans. C'est une révolution technique et agronomique», explique-t-il.
Des éléments scientifiques probants, voilà ce que revendique Jérôme Despey, secrétaire général adjoint de la FNSEA: «Nous voulons des éléments probants qui démontrent qu'il y a encore un problème de nitrate. Des nitrates, il y en a partout, même dans les fruits et légumes que nous mangeons». Jérôme Despey en appelle donc à la recherche et au développement «pour voir comment poursuivre dans la voie des efforts qui ont été entrepris». Il poursuit: «Nous sommes conscients qu'il y a des obligations liées à la directive communautaire, mais le gouvernement pourrait faire valoir les efforts réalisés sur nos pratiques».
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