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Du champ à l’étal, la bio enchaîne les difficultés

Baisse de la consommation, référencements moindres dans les rayons, déclassement de produit, hausse des déconversions… L’agriculture biologique est à la peine depuis 2 ans. La filière appelle à un soutien renforcé des pouvoirs publics.

Même la distribution spécialiste est affectée par la baisse consommation : la chute pourrait être rude en 2022, de 10% pour les acteurs les plus optimistes (Biocoop, Agence bio) à 15% pour le panéliste Nielsen.
© Réussir

Dans un secteur habitué à des croissances à deux chiffres, on a toujours du mal, après dix-huit mois de turbulence, à comprendre complètement les sous-jacents de la crise qu’il traverse. Victime de l’inflation, d’une offre mal maîtrisée, de stratégies de distributeurs ? De fait, la bio voit son marché reculer pour la deuxième année consécutive. Une décroissance qui a conduit les magasins à revoir leur stratégie bio, entraînant des difficultés chez tous les acteurs.

Tous les canaux de distributions touchés

Sur le premier semestre 2022, le recul du chiffre d’affaires bio dans la grande distribution aurait atteint 5% sur un an selon Nielsen, voire 8% selon Kantar, soit autant voire plus que le secteur conventionnel (-5%). Quelle que soit l’estimation retenue, tous s’accordent sur une accélération de la tendance amorcée à l’été 2020, qui avait déjà conduit à une baisse du chiffre d’affaires bio de 4% en GMS entre 2020 et 2021.

Et la distribution spécialiste ne sera cette année pas épargnée : alors que son chiffre d’affaires avait diminué de seulement 2% entre 2020 et 2021, la chute pourrait être plus rude en 2022, de 10% pour les acteurs les plus optimistes (Biocoop, Agence bio) à 15% pour le panéliste Nielsen. De même dans la transformation, les 225 adhérents du Synabio ont aussi vu leur chiffre d’affaires reculer de 12% en moyenne en 2022.

Principale explication de la réduction des ventes selon Kantar : même si 98% des Français achètent bio une fois par an, le panier moyen aurait rétréci, en passant de 183,20 € par ménage et par an en 2020, à 170,50 € en 2022. Et lors du passage en caisse, «la baisse des ventes concerne la plupart des produits», complète Dorian Fléchet, en charge de l’observatoire national de l’Agence bio. Tout en soulignant des reculs particulièrement marqués sur l’épicerie et les huiles (-20%), ainsi que sur les viandes hachées (-10%).

Certains invitent à voir le verre à moitié plein, alors que «la bio reste en progression de 9,2% par rapport à 2019», selon Xavier Ségalié, directeur général de NielsenIQ France. Une augmentation qui restera néanmoins inférieure aux croissances du marché bio de 22%, 18% et 16% observées entre 2016 et 2018. Pour Benoît Soury, directeur du marché bio chez Carrefour, des signaux de reprise se feraient cependant déjà sentir, «avec des hausses de chiffres d’affaires observées depuis plusieurs semaines, et un redémarrage dans certains pays européens, comme en Espagne». Carrefour devrait d’ailleurs ouvrir 28 nouveaux magasins bio (So Bio et Bio C Bon) en 2022, quand Biocoop vise aussi 30 inaugurations de sites.

Réduction des références bio dans les rayons

Les indices positifs n’empêchent cependant pas les distributeurs de revoir leur offre. Entre l’été 2021 et l’été 2022, le nombre moyen de références bio (PGC-FLS) aurait baissé de 5% selon Nielsen. Une attitude que déplorent les professionnels, à la FNAB et la FNSEA. «Ce réajustement de l’offre est salutaire, puisque le bio était surreprésenté dans les rayons par rapport à son chiffre d’affaires», assume de son côté Benoît Soury. Représentant 5% environ des ventes en 2022, le bio occuperait 8% des rayons à l’échelle nationale (Nielsen). Carrefour envisagerait donc de supprimer environ 10% de ses références bio, «pour privilégier les marques de distributeurs.»

Comme chez beaucoup de concurrents, l’espace dégagé sera utilisé pour répondre «aux enjeux de pouvoir d’achat», mais également pour des «produits aux garanties environnementales intermédiaires», type HVE, sans additifs ou sans résidus de pesticides. Or, c’est précisément «la banalisation liée à la multiplication des labels» qui a déjà «brouillé» l’image du bio chez le consommateur, analyse Gaëlle Le Floch, directrice stratégie chez Kantar. En 2018, illustre-t-elle, 56% des Français achetaient des produits bio en raison de l’absence de pesticides. Ils ne seraient désormais plus que 51%. «Les produits conventionnels ont beaucoup amélioré la qualité de la composition de leurs ingrédients et les recettes des produits transformés. C’est ce qui explique sans doute le moindre intérêt récent des consommateurs pour les labels.»

Hausse des déconversions

Dans un contexte incertain tant en termes de volume d’affaires que de prix, certains opérateurs ont déjà fait évoluer leur politique. En lait par exemple (lire ci-contre), «toutes les coopératives ont stoppé les conversions», résume le président de la Coopération laitière, Pascal Le Brun. Sodiaal a notamment freiné les conversions dès 2019, imitée par Terrena qui a arrêté les conversions en 2021, ou encore Agrial qui a suspendu son programme d’aides à la conversion en 2022. De même en légumes et en viande bovine, les coopératives spécialisées Biobreizh et Bretagne Viande bio ont arrêté d’accueillir de nouveaux adhérents. «La pause des conversions est appelée par les coopératives : c’est à nous de mettre en adéquation offre et demande», appuie Benjamin Fitoussi, responsable filières biologiques à la Coopération agricole.

Les résultats de ce virage se voient déjà sur le terrain, au travers d’une diminution des conversions de 37% sur un an. Parallèlement, les arrêts de certifications seraient en hausse de 42%. Des départs dont les causes restent inconnues, puisque «les déclarations ne permettent pas de savoir s’il s’agit de retour au conventionnel, de départ à la retraite ou de liquidation», explique Dorian Fléchet, à l’Agence bio.

Pour relancer la chaîne, la plupart des acteurs interrogés misent sur la consommation, incarnée par la campagne Bioréflexe lancée au printemps dernier. Domicile, restauration scolaire, restauration commerciale, exports : tous les débouchés seront bons, qu’ils soient ou non encouragés par la réglementation. Du côté des coopératives, on rappelle une proposition partagée avec le syndicat majoritaire, et dont la FNAB ne veut pas entendre parler : conditionner les aides à l’installation à la garantie de débouchés.

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