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Confinement et consommation : retour du made in France, du plastique et paupérisation

Olivier Dauvers est journaliste et observateur de l’évolution des modes consommation depuis près de 30 ans. Le confinement a conduit à des changements dans les comportements d’achat des Français et révélé un phénomène de «paupérisation» de la consommation qui pourrait s’accentuer.

file-Le mode de distribution qui a le plus progressé en masse durant le confinement, c’est le supermarché. À contrario, les hypers ont perdu 10 à 20% des ventes.
Le mode de distribution qui a le plus progressé en masse durant le confinement, c’est le supermarché. À contrario, les hypers ont perdu 10 à 20% des ventes.

Spécialiste des questions de consommation, Olivier Dauvers suit la distribution depuis près de 30 ans. Alors qu’habituellement, les tendances en la matière évoluent très lentement, avec le confinement, «les évolutions ont été infiniment plus profondes et plus fortes qu’elles n’ont jamais été en termes de circuits et de produits», constate-t-il.

Ainsi, dans les achats alimentaires, l’e-commerce a vu sa part presque doubler, passant de 7 à 10%. «C’est lui qui est le champion de la croissance, notamment le drive. Sauf que ça s’applique à une petite assiette», nuance le journaliste. «En réalité, le mode de distribution qui progresse le plus en masse, c’est le supermarché. Il a été au croisement d’injonctions publiques et de comportements que l’on souhaitait : il ne fallait pas aller loin, ni sortir longtemps. […] On est allés deux fois moins souvent en magasin et on a eu tendance à aller dans un seul magasin. On a concentré nos achats dans un circuit qui propose à peu près tout ce que je veux», analyse Olivier Dauvers. Conséquence : dans la même période, «l’hypermarché a été mis à mal», car «par principe, il est plus loin, a des zones de chalandise qui sont plus grandes mais a peu de densité autour de lui. En gros, les enseignes d’hypers font entre – 10 et – 20%» sur la période, indique-t-il.

Condamné hier, plébiscité aujourd’hui

Du côté des produits, les rayons snacking, les produits à la coupe, la charcuterie particulièrement, mais également la boucherie, ou à plus forte valeur ajoutée ont vu leurs ventes baisser, alors que celles des produits ingrédients (œufs, farine…) se sont envolées. Le rayon des fruits et légumes en supermarchés a profité de la fermeture des marchés de plein vent. Résultat : «c’est le grand retour du libre-service et du plastique», observe le spécialiste. Étonnant, quand on sait que le plastique était condamné il y a quelques mois encore, rappelle-t-il.

«Dès lors qu’il y a un danger sur ma vie, et que le plastique peut me protéger, là je veux du plastique. Cela illustre un phénomène sociologique bien connu, à savoir que les bénéfices internes, pour moi, ont toujours plus de valeur que les bénéfices externes.»

Mauvaise nouvelle, cependant, la période de confinement a révélé un phénomène de «paupérisation de la consommation», constate Olivier Dauvers. «Le transfert de consommation hors domicile vers la grande distribution n’a été que partiel. Il aurait dû atteindre 13%, alors qu’il n’a été que de 7 à 8%. Il manque 5 points. […] La France est en «mode retenue». Ce phénomène est dû à des situations de précarité partielle et se traduit par une baisse de la consommation et une hausse des marques de distributeurs dans les achats.»

Terreau fertile pour le made in France

Bonne nouvelle, en revanche, pour les produits français, qui semblent avoir été plébiscités pendant le confinement. Selon le journaliste, cela s’explique par l’arrêt des importations, fraise, asperge, agneau en tête, et à une «bascule commune et rapide des enseignes» sur des produits d’origine France. «Ça ne fait pas une tendance pour le made in France, c’est l’offre qui a changé. Or les phénomènes les plus durables sont des phénomènes de demande.» Pour autant, «le terreau est fertile», confirme celui qui a fondé le think-tank AgriAgro et lancé il y a quelques mois un débat autour de l’origine des matières avec #BalanceTonOrigine.

«Encore faut-il que les acteurs soient dans une forme de sincérité dans la revendication de l’origine pour permettre ensuite au client d’exercer son libre arbitre en toute connaissance de cause. […] Spontanément, le consommateur ne va pas changer tout seul.» Le confinement et la crise sanitaire confirment bien, selon Olivier Dauvers, que «le consommateur pense à lui-même d’abord». «Cette crise nous rappelle, encore une fois, que le prix de la vie est sacré et que la prise de risque n’est pas acceptée», commente-t-il.

Que restera-t-il alors de cet épisode inédit ? «Le commerce et la consommation ne sont jamais que la conséquence de l’économie. Et comme il est très probable que le pouvoir d’achat total de la France diminue puisque la richesse de la France va diminuer et qu’en parallèle la France aura des milliards à rembourser, il est fort probable aussi que la consommation baisse. Si c’est le cas, le commerce ne peut pas passer entre les gouttes, et avec lui les commerçants et ceux qui les approvisionnent. On a déjà les signes d’une forme de paupérisation de la consommation.»

Assez pessimiste sur l’avenir immédiat du commerce et de la consommation, le journaliste pronostique «que l’on passera par une phase de guerre des prix».

Sébastien Duperay

 

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