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Une vigne gersoise, classée monument historique

Cas unique en France, une plante cultivée vient d'être inscrite à l'inventaire des Monuments historiques. Depuis le XIXesiècle, une vigne, véritable dinosaure végétal située à Sarragachies dans le Gers, a été épargnée par le phylloxéra et les arrachages.

file-Une parcelle du cépage tannat, planté franc de pied vers 1871 a donné en 2012 la cuvée spéciale Vignes préphylloxériques : seulement 1345 bouteilles numérotées, réservées à  55 euros pièce. Jean-Pascal Pédebernade et son père René, vignerons à  Sarragachi
Une parcelle du cépage tannat, planté franc de pied vers 1871 a donné en 2012 la cuvée spéciale Vignes préphylloxériques : seulement 1345 bouteilles numérotées, réservées à  55 euros pièce. Jean-Pascal Pédebernade et son père René, vignerons à  Sarragachi

«La grand-mère de ma grand-mère disait déjà  que c'étaient de vieilles vignes», se remémore René Pédebernade. À 87 ans, le vigneron gersois continue à  lier ceps et poteaux à  l'osier, selon la méthode ancestrale. Traditionnellement, chaque famille de Sarragachies, village gascon entre Riscle et Nogaro, possédait son «jardin de vigne» planté de différentes variétés locales rouges et blanches et élaborait son vin «de la maison», on dirait aujourd'hui «de garage».

Près du domicile des Pédebernade, ce jardin, désormais classé, présente plusieurs caractéristiques étonnantes. Le premier regard révèle une plantation ancienne en pied double, le même piquet soutenant deux souches. Les ceps forment des carrés de 2m afin que le cheval ou le boeuf puisse passer de tous côtés pour désherber ou labourer. Les experts de l'école SupAgro de Montpellier, de l'Institut français de la vigne et de l'INRA estiment son àge à  près de deux siècles, soit une plantation vers 1820.

Les ceps sont francs de pied, c'est-à -dire que le bois est planté directement dans le sol, sans porte-greffe américain. À l'époque, le phylloxéra n'avait pas encore ravagé le vignoble européen et c'est seulement à  partir de 1870 que les vignerons furent contraints de planter des pieds de vigne américains — résistants à  cet insecte redoutable — sur lesquels ils greffaient leurs cépages locaux. Pourquoi les vignes bicentenaires de Sarragachies ont-elles survécu à  l'insecte? Sans doute parce que le sol sableux empêche sa progression.

Patrimoine génétique

L'analyse génétique de ces vestiges vivants révèle 20 cépages différents, dont 7 totalement inconnus. On y trouve encore des vignes màles — sans raisins — et des vignes femelles. En effet, cela fait bien longtemps que les vignerons sélectionnent des vignes hermaphrodites, à  la fois màles (pour féconder) et femelles (donnant les grappes). Ces témoins du passé, véritables dinosaures végétaux, ont survécu, notamment aux arrachages, parce que, plantés dans un jardin familial, ils n'étaient pas soumis aux exigences de rentabilité.

Dans ses autres parcelles, la famille Pédebernade produit du raisin comme le millier d'autres vignerons de Plaimont producteurs. Acteur majeur du paysage viticole, cette coopérative rassemble environ 5.300 hectares de vignes et livre 40 millions de bouteilles, pour un chiffre d'affaires global de 75 millions d'euros. «Nous défendons les cépages locaux car ils ont grandi dans les conditions locales, avec les particularités du terrain et du climat. Ces cépages sont adaptés à  notre climat, à  nos 1.000 mm d'eau par an» explique Olivier Bourdet-Pees, directeur général. «En 1950, les 20 cépages les plus plantés représentaient 47% de la production, aujourd'hui, c'est 86%!» L'héritage génétique, la biodiversité s'écroulent.

Valorisation commerciale

Les cépages originels furent arrachés pour différentes raisons: leur rendement était trop faible, ils ne produisaient pas assez d'alcool, les vignerons se conformaient aux cépages autorisés et certifiés. Le souci de rentabilité, les incitations de l'administration et des conseillers agricoles ont autant détruit le vignoble que le phylloxéra! L'un des cépages inconnus répertoriés dans la parcelle de Sarragachies, et baptisé “pédebernade n°1” donne un vin à  7° seulement. Pour Olivier Bourdet-Pees, cette caractéristique représente un atout: «En Norvège, les taxes s'accroissent avec le degré d'alcool. Le vin à  bas degré est donc une piste d'avenir».

Ainsi, les Britanniques apprécient particulièrement le Colombelle de Plaimont, un vin blanc aux arômes floraux et fruités facile à  boire. Réalisé à  partir du cépage colombard, il ne fait que 11,5°. Les vieux cépages de Sarragachies, et leur biodiversité, pourraient donc retrouver une nouvelle jeunesse, gràce à  un marché évolutif et diversifié. Pierrick Bourgault BiodiversitéL'inscription à  l'inventaire des Monuments historiques de la vigne de Sarragachies récompense une longue action de préservation du patrimoine génétique. Jean-Paul Houbart (technicien à  la coopérative de 1972 à  2006), André Dubosc (directeur de 1979 à  2008) et les viticulteurs inventorient depuis longtemps leurs vieilles parcelles avec des spécialistes en cépages, les ampélographes.

En 2002, Plaimont Producteurs ouvre à  Pouydraguin son conservatoire ampélographique où l'on replante des variétés locales anciennes, soit 120 groupes de 10 pieds. Cette population a été soumise à  des tests génétiques et 12 cépages restent totalement inconnus. Selon Olivier Bourdet-Pees, « Dans une viticulture mondiale standardisée, ces anciennes variétés locales garantissent la typicité de nos vins et l'avenir de nos appellations. Demain, certains de ces cépages signeront sans doute nos grands vins d'origine ».

Pierrick Bourgault

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